A Villeurbanne aussi, un grand pouvoir implique de grandes responsabilités

A Villeurbanne aussi, un grand pouvoir implique de grandes responsabilités

En ces temps de crise sanitaire, plus de 100% des villeurbannais-e-s se disent inquiet-e-s du devenir du patrimoine architectural de leur ville, c’est ce que révèle un récent sondage réalisé par l’institut Haribo’s interactive.

Les autorités publiques se sont-elles montrées à la hauteur de la situation ? Empressons-nous de rassurer la population à ce sujet : à aucun moment du confinement le maire n’a quitté son bureau de l’Hôtel de Ville surplombant l’Avenue Barbusse. Attentif aux moindres progrès de l’épidémie, l’œil alerte et coiffé de son haubert de mailles, comme à son habitude il aurait surveillé le périmètre de nos Gratte-Ciel, ainsi que le rapporte un article paru dans la version papier du journal Capitale, ajouté au dossier spécial du dernier numéro du Super Picsou géant :

Coronavirus : à Villeurbanne, Jean Paul Bret prend des mesures avec son double décimètre

Jean-Paul Bret (PS)

Une prudence exagérée, vivement critiquée par l’opposition, et qui néanmoins aurait porté ses fruits puisque : En matière de patrimoine, le pire aurait été évité, et remis au moins à la semaine prochaine , lit-on quelques lignes plus bas.

Que dire cependant de telles démonstrations, sinon qu’elles n’offrent rien que de très convenu au palmarès d’un homme dont la réputation patrimoniale est déjà parfaitement établie et son dévouement à la cause proverbial ? C’est inévitablement en dehors du rutilant article de Capitale et peut-être en marge des sphères du pouvoir qu’il faudra rechercher de quoi nous surprendre, nous ébahir, nous plonger dans un bain de torpeur.

Plus confidentielles en effet, les haies du quartier des Poulettes, situées à deux encablures seulement des grues dressées dans le prolongement de l’Avenue Barbusse, vibrent d’échos troublants et ajoutent leur propre rumeur au concert des 8276 chantiers en cours à Villeurbanne. Leurs mystérieuses clôtures enfin s’épaississent d’une ombre surnaturelle, spécialement dans le secteur de la rue du Général Klobb.

L’énigmatique rue du général Klobb à Villeurbanne et son aura d’impénétrable mystère (crédit photos Charles Marville).

Qu’ont-elles donc à raconter ? Dévoilons sans tarder la légende urbaine dont le petit quartier est devenu l’épicentre : Franchissant le cap communément admis par l’action publique, le maire aurait secrètement embrassé un registre d’actions coutumier des activistes patrimoniaux les plus radicalisés. D’ores et déjà élevé en figure emblématique des luttes contre les injustices par certain-e-s, sa trajectoire croiserait dorénavant celles des icônes des super héros masqués, ou, pour citer mot pour mot la rumeur,  telles que le Marvel Cinematic Universe a su en produire à travers un Spiderman, ou un Ant-Man, œuvrant dans l’ombre, poussée par une inextinguible soif de justice par delà les seuls motifs de distinction personnelle, mais animée à Villeurbanne par des desseins  patrimoniaux. »

Par décence plutôt que par omission sans doute, l’histoire se refuse à divulguer si une telle radicalité a pu conduire un homme connu par ailleurs pour sa sobriété vestimentaire à enfiler un slip rouge par dessus le pantalon de son traditionnel complet à rayures greige/taupe lors de ses escapades nocturnes.

Que s’est-il donc passé à Villeurbanne, petite bourgade jusqu’ici sans histoire et que tous les augures du développement urbain s’accordaient à reléguer loin des feux de la rampe, Villeurbanne, berceau s’il en fut jamais, d’une douce insouciance qui prospère chaque jour comme une fleur splendide,  nuancée ça et là par une impression vague de bétonisation ?

Une impression ? Quelle impression ? Sans entrer ici dans un débat qui déjà a fait couler beaucoup d’encre, contentons-nous de préciser que les critiques autour de ce sentiment typiquement villeurbannais, dit « impression de bétonisation » ayant toutes conduit à de fausses bonnes apories, il parait vain de s’y appesantir à nouveau. Rien moins qu’une impression mineure, une impression comme une autre en somme, et qui disparait en prenant la distance suffisante, comme le relèvent fort justement certains commentateurs avertis tel Cédric Van Chippendael, qui note sa nette tendance à s’estomper à mesure qu’on se rapproche du sol lunaire pour l’observer.

Bref.

Un Covid directement impliqué ?

C’est en combattant un féroce virus de la famille des super Corona, que la carrière du maire aurait brusquement basculé, de la dimension d’homme public qu’on lui connaît, vers celle du surhomme en collant. Un retournement auquel ni les lecteurs quotidiens du Viva ni ses électeurs n’étaient préparés. Rien de très surprenant en revanche quant on sait la capacité du microbe à susciter des super immunités. Passé le stade 8 de la mutation, qui s’accompagne d’une poussée des bras et des jambes chez le virus, le pathogène entre en aptitude d’accomplir des roulades au sol ainsi que diverses autres figures sur un cheval d’arçons, relève l’Organisation mondiale de la santé. Susceptible à ce stade de se placer en compétition directe avec certains de nos gymnastes émérites, tel Gérard Collomb, il devient difficilement arrêtable, tranche-t-elle, inquiète. En prise donc à un adversaire plus redoutable que ceux auxquels les opposants de la droite traditionnelle l’avaient accoutumé, les pouvoirs du maire villeurbannais se seraient tout naturellement révélés au grand jour.

Mais que s’est-il exactement passé et que sait-on de plus ? Premièrement que le virus aurait tenté de s’en prendre lâchement à l’huisserie patrimoniale du bureau des Gratte-Ciel ouvrant sur l’avenue. Loin du vulgaire vitrage, rappelons que l’objet, composé de minerais rares, inscrit depuis 1928 à l’Inventaire supplémentaire des monuments du bureau du maire, suscite l’admiration des ambassadeurs de passage depuis le Quattrocento. La proximité d’une telle relique a t-elle pu jouer un rôle direct dans l’obtention des supers pouvoirs patrimoniaux du maire ? Il n’est possible d’y répondre à ce jour que par l’incertitude.

L’huisserie de l’hôtel de ville, en cause dans l’affaire.

Peu de choses du reste annonçait un tel dénouement. La scène serait advenue tandis qu’il mâchonnait paisiblement sa branche préférée de lunette verte tout en repassant les meilleurs pages d’une somme patrimoniale intitulée  Pot-pourri villeurbannais , ouvrage, qui, sous un titre modeste, relate les hauts faits en matière d’action patrimoniale qui lui ont valu plusieurs prix Nobel. Une œuvre dont il est évidemment l’auteur et dont nous vous recommandons chaudement l’achat, simple d’accès et dont la lecture n’est pas assommante.

Certain anonyme, témoin de la scène, rapporte :

Nous sortions d’un long et complexe entretien qui portait sur la voirie, et il est à supposer qu’au moment du drame il était pendu à ses réflexions habituelles, telle :

Faudra t’il ou non utiliser l’arme atomique pour redresser, comme le prévoit le PLU-H, la Route de Genas au croisement avec la rue Jacques Branlou ?

ou encore :

– Mais comment, non de non, réussir à inclure les 476 816 nouveaux logements prévus dans le quartier de la Perralière en moins de 6 semaines ?

Et notre témoin d’ajouter :  D’abord on a vu le virus s’approcher de l’huisserie à pas lents, mu par des sentiments indéfinissables. Puis on l’a aperçu commencer à gratter le vernis avec son doigt tout sale. Pour Jean-Paul c’était inadmissible, ça a été l’escalade …

Plusieurs voix se seraient élevées pour demander à l’intrus/covid de se montrer raisonnable, s’éloigner pour faire cesser ce scandale. Mais comment espérer d’un virus qu’il adopte contre lui-même des gestes barrières, et comment lui inculquer en si court intervalle de temps les notions élémentaires de patrimoine en vigueur à Villeurbanne ? Après plusieurs sommations et devant son refus d’obtempérer, le bureau du maire, se serait transformé en véritable ring de catch.

Le maire aurait dressé son corps en rempart à l’huisserie, confirment nos sources en lui postillonnant à la gueule : dégage de là, saloperie de coït 19 !

En dépit des représentations faites par une partie du personnel pour essayer de stopper le bouillant élu de la république :

– Arrête Jean-Paul, tu ne peux rien contre lui , c’est un virus !

Mais un nouveau commentateur témoin de la scène apporte un éclairage supplémentaire:

Je ne suis qu’adjoint en chef de l’assistant en communication de la coloriste, que pouvais-je espérer accomplir, surtout sans mandat officiel du gouvernement ? J’ai donc opté pour la posture la plus sage en renonçant à retenir le maire, sans chercher surtout à lui faire observer les gestes barrières, lui qui voulait précisément les faire observer à un virus qui ne les respectait pas. C’était sans fin, ajoute-t-il, je suis rassuré que cette situation se soit terminée, j’avais peur d’être bloqué dans une sorte épisode de Docteur Who, en plus villeurbannais.

Ce qui n’est pas faux.

La lutte, heureusement, aurait rapidement tourné en faveur du représentant de la démocratie.

On n’avait jamais vu le maire comme ça, rapporte le même témoin, non sans souligner l’efficacité du coup droit de l’élu socialiste. La créature serait passée par la fenêtre en deux temps trois mouvements, s’y serait fracassée, non sans avaler au passage moult morceaux de verre.

 Bilan ? Trésor supplémentaire arraché à la liste d’un patrimoine en péril et reportée dignement vers celle des conquêtes des biens commun par l’action diligente du maire nous direz-vous ? C’est sans compter pourtant sur un rebondissement retors et inouï. Non contente en effet de semer la zizanie à travers toutes les huisseries de l’Hôtel de Ville, ladite créature mutante en traversant le vitrage aurait heurté le sol. Normal, comme le remarquent certains des plus pointus parmi nos observateurs en matière de sciences aéro-plastique : Ce n’est là que pure statistique,  plus elle se rapprochait du sol, plus ses chances de réaliser une rencontre de cette nature avec lui augmentait en proportion libre et non faussée.

Point de vue contesté par d’autres, aux yeux desquels il est fait trop librement impasse sur plusieurs facteurs troublants et de nature à remettre en cause le cadre expérimentale des lois newtoniennes. A savoir notamment que dans sa chute la créature aurait heurté le crâne d’un certain Bruno Bonnell, dit BB de la société civile, une société secrète, qui tient à son anonymat, et dont le digne représentant passait justement par là.

Simple coïncidence ?

Là encore, plus de peur que de mal :  Il y a de la place pour se garer comme aime à railler un de ses adversaires politiques, ex-frondeur de l’aile centrale de La République en marche, qui brigue lui aussi le siège municipal. Des propos de racisme anti-chauve parfaitement déplacés que nous condamnons évidemment avec la plus grande fermeté et auxquels nous refusons d’être associés (nous avons d’ailleurs une excellente tante à nous dont le neveu par alliance a connu personnellement un voisin de Monsieur Propre…).

En marge de toute polémique d’autres, plus positifs, tranchent : 

En voyant cette masse s’agiter sur son crane d’ordinaire lustré et poli, j’ai cru qu’il s’agissait de cheveux, tout simplement.

Quant à dire si oui ou non si ce deuxième impact aura des conséquences sur la politique patrimoniale qui règne actuellement dans notre commune….

Pour rendre leur verdict, les experts auront à déterminer au préalable si oui ou non Bruno Bonnell depuis sa fusion avec le virus est éligible au titre d’objet patrimonial dont la sauvegarde est recommandée. Sa place alors pourrait être envisagée dans un musée, mais seulement après avoir remis la main dessus, note notre témoin, qui soutient l’avoir vu prendre le maquis et disparaitre parmi les allées plantées de la place Lazare Goujon.

Possible fusion de LREM avec un virus. Les villeubannais-e-s sous le choc (Reconstitution, réalisée sans effets spéciaux).

La rumeur, vaste et complexe, enfin, fait état d’un certain Prosper Kamoulox, candidat au même poste que les susnommés, et membre par ailleurs de la même société secrète, voire plus secrète encore à croire l’intéressé, lequel en commentateur supplémentaire de la scène se serait épanché dans un très grand nombre de propos,  tous plus intéressants les uns que les autres, mais dont aucun hélas n’est parvenu jusqu’à nous.

Un mystère qui s’épaissit à mesure qu’on s’éloigne des Gratte-Ciel.

Ni mutant, ni virus, de dernières rumeurs l’affirment et tiennent en déroute les enquêteurs : l’intrus était fait de chair et d’os, même plutôt bien nourri, et sa présence à la mairie ne devait rien au hasard.

Il avait ses habitudes au service de l’urbanisme, déclare un dernier témoin. C’est en trouvant la porte fermée en début de confinement qu’il aurait décidé de braver l’interdit en enjambant une palissade. L’esclandre serait partie de là.

– Il transportait avec lui des dossiers sous son bras, si ce n’est pas une preuve.

Alors, accident météorologique, drame conjugal, accident de la route, mauvais présage, concours de circonstances, scène de la vie animalière ? On n’en sait pas plus et le mystère s’épaissit à mesure qu’on s’éloigne des Gratte-Ciel.

De récents éléments apportent un éclairage confortant la piste du prosaïque accident de l’urbanisme.

Rappelons à propos de notre fameuse chaire de l’urbanisme, illustre dans notre commune, qu’elle est occupée par interim depuis 1971 par de nombreux stagiaires. En quoi Richard Llung, qui y a siégé, témoigne : 

En effet, plutôt qu’un Covid, il pourrait s’agir d’un simple promoteur. On les voit très souvent roder dans les parages aux heures d’ouverture avant de se faire offrir un café par la secrétaire, dans le bureau en face de celui du maire. Parfois, ils se cachent sous la table.

Une hypothèse qui, notons-le en toute objectivité, apporte son propre lot d’incohérences à l’affaire.

***

Cette brève achevée, concluons  qu’en aucun cas nous n’appelons à jeter les promoteurs par les fenêtres et que par conséquent tout incident futur ou même passé serait parfaitement indépendant de notre volonté. D’ailleurs comme nous nous tuons régulièrement à le répéter, ce sont des gens parfaitement recommandables, des sectateurs de l’Art pour l’Art qui décorent nos quartiers en portant le soin aux moindres petits détails du quotidien, toujours selon une ascèse du Beau qui échappe si parfaitement au commun des mortels qu’il est peu exagéré d’affirmer que l’équilibre de la biomasse interplanétaire tout entier repose sur leurs épaules. Parmi ces aspects décisifs au bien être des villeurbannais-e-s, mais souvent, trop souvent hélas, mésestimés d’elles et d’eux, soulignons l’épannelage des lignes de crête des immeubles.

Loin d’afférer au vulgaire point de détail, leur traitement convoque au contraire un savoir-faire architectural consommé, garant d’une harmonie visuelle.

Impression soleil couchant by Jean claude Monnet. A Villeurbanne où passants et véhicules coudoient les barques des pêcheurs sous le pinceau étincelant du promoteur.

Ces degrés balancés onctueusement vers l’horizon flattent le regard sans l’accabler de monotonie. C’est ce que déclare Jean-Michel Soleilcouchant, jeune prodige dévoilé par l’émission Incroyable talent, encore en apprentissage chez Cogedim mais déjà expert du sujet et qui lui a d’ailleurs consacré un plein chapitre dans son dernier ouvrage d’esthétique urbaine comparée intitulé : Ligne de crête et bien-être.

Un savoir-faire que Villeurbanne cèle jalousement car perdu dans le reste du monde depuis l’époque de Ptolémée II (Égypte antique), assure notre expert.

A quoi le dénommé Llung, qui ne s’en laisse pas remontrer, renchérit :

Tout le monde reconnaît mon avance sur ces questions. On m’a appelé le Léonard des lignes de fuite, la Arletty de l’épannelage, le Jul’ de l’urbanisme. Avec un diplôme de CAP en modélisme je me flatte d’une distinction particulière dans tous les champs de l’urbanistique appliquée. Depuis plus de 20 ans mes talents m’ont porté à la rencontre des Villeurbannais de toute la commune, parfois même au-delà, ajoute-t-il, toujours sourcilleux sur le choix des mots. 

Et de conclure, plus confidentiel et moins amer: « Pour tout devis personnel en épannelage, je me déplace à domicile…»

Ici devant les fameux Gratte-Ciel, un autre exemple épannelage local, le talent en moins.

***

Arrivé-e au terme de ce billet, consterné-e par sa lecture, peut-être vous écrieriez vous :

Pas de nouvelles de cette espèce de fils d’aréopage, lui et son blog pourri pendant plus d’un an (alors que je paie un compte premium pour accéder aux dernières nouveautés qui me coûte la peau des fesses) et il ne trouve rien d’autre à nous servir comme billevesées, je suis sûr que ce Young n’a jamais existé, tout ça c’est des histoires.

Aussi, et en dernier lieu, la rédaction toute entière de ce blog, composée de moi-même, tient à décliner toute responsabilité. Celle-ci en effet ne pourrait être engagée si des voyages temporels importuns et autres boucles rétro causales venaient à modifier le cours du temps, voire à effacer purement et simplement certains personnages privés ou publics de notre mémoire collective. En aucun cas non plus elle ne saurait être saisie si à compter de demain divers super héros du patrimoine venaient à sillonner le ciel de Villeurbanne dans des accoutrements que la morale réprouve.

2 réflexions sur « A Villeurbanne aussi, un grand pouvoir implique de grandes responsabilités »

  1. Un article bien perché, peut-être écrit sur le balcon de l’hôtel de ville ?
    Personnellement je n’ai absolument rien compris, mais ça semble évoquer le patrimoine architectural de Villeurbanne, un sujet qui me tiens à cœur.

    1. Peut-être un peu métaphysique à votre goût, mais le patrimoine de Villeurbanne vaut bien ce genre d’incursion fondamentale me semble-t-il.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.